— C’est vrai, dit à son tour maître Pierre ; et tandis qu’il procédait à son inventaire, le chevalier s’adressa au lieutenant :
— Ce que j’en fais est pour le repos de mon âme et la satisfaction d’Étienne Debré, auquel, selon l’usance, doit revenir tout ce qui est au-dessous de ma ceinture.
Étienne Debré était le bourreau.
— Hélas ! Messire, le bon Dieu et les saints du Paradis savent seuls ce qui adviendra ; mais il ne faut pas perdre l’espérance. Vous avez déjà été mis en geôle, et vous en êtes sorti.
— Ah ! maitre Du Bois, ceux qui m’y avaient mis alors étaient mes ennemis ; ceux qui m’y mettent aujourd’hui sont mes compagnons d’armes !
Le lieutenant baissa la tête et ne répondit rien ; et l’on n’entendit plus que la plume du scribe courant sur le parchemin. Le geolier arriva, suivi de ses trois valets, jeta un coup-d’œil sur le registre, puis, muni de son trousseau de clés, il s’approcha du sire de Bosrédon. Celui-ci le comprit, fit quelques pas pour le suivre ; mais avant de franchir le seuil, il se retourna vers maître Félix :
— Si Tanneguy, votre prévôt, s’enquiert près de vous de ma contenance, vous lui direz que vous m’avez vu ému, moi, le sire de Bosrédon, non à cause de la paille de mon lit ; ma couche était plus dure à Azincourt : non à cause de mes chaînes ; le fer est un métal familier à mes mains : non à cause de la mort ; je l’ai bravée souvent : mais bien à cause de la félonie d’un ami ! — Puis, sans attendre de réponse, il s’éloigna à pas précipités.
Le lieutenant le regarda aller pendant quelque temps en silence ; ensuite, il prit à part un sergent : — Va incontinent quérir deux examinateurs d’office, et mande-leur de commencer l’enquête assez à temps pour que rapport en soit fait demain matin au Petit Parc. C’était la chambre criminelle. Le sergent partit en toute hâte ; chacun fit de même, et bientôt le calme le plus profond régna dans le Châtelet.
