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cette vie agitée n’était plus supportable pour ma mère, dont la vieillesse avait besoin de repos, et qui, d’un autre côté, regrettait sans cesse les splendeurs dans lesquelles s’était écoulée jadis une assez grande partie de son existence. — Quant à notre industriel, nous pouvions le quitter sans crime, notre engagement ayant été volontaire.

Il paraît, d’après ce que j’entendis raconter, que le pauvre diable fut inconsolable de nous avoir perdues. — Ce cher industriel !… Cela me fit vraiment de la peine ; et bien qu’il entrât un petit grain d’intérêt dans son affection, il est de fait que cela me fit vraiment plaisir de me sentir aimée ainsi. — Du reste, l’Empereur, pour le consoler, lui fit compter quelques-uns de ces beaux ducats qu’il avait rêvés, l’assurant en outre qu’il allait établir, à Vienne, un concours de puces, où l’on choisirait les plus habiles pour nous remplacer. — Mais disons-lui un dernier adieu et passons à autre chose.

Me voici maintenant arrivée à une époque de ma vie à laquelle se rattachent mes souvenirs les plus chers ; me voici reportée à cet âge heureux où le cœur s’éveille, où mille sensations délicieuses s’emparent de notre être, le transportent, le ravissent, le subjuguent tout entier ; à cet âge d’émotions naïves et de tendre épanchement, où tout n’est que parfum, amour et poésie. — Ma tâche ici serait fort délicate, si, à propos d’amour, je n’avais, comme la plupart des hommes, que des scènes scandaleuses à retracer ; mais, grâce à Dieu, je n’ai à rougir de rien, et je puis tout dire, sans encourir le blâme de qui que ce soit.

Aujourd’hui que tant de chagrins et d’années ont passé sur ma pauvre tête, on aurait peine à retrouver en moi quelques faibles vestiges d’une beauté qui fit jadis l’admiration de tous ceux qui me voyaient. Toujours est-il vrai cependant que durant mon séjour en Autriche, mes attraits produisirent une vive impression dans un certain cercle de puces impériales. Ce