Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/204

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— 168 bis —

Je lui dépeignis alors mon jeune autrichien, sous les couleurs les plus favorables, et je ne fus pas peu étonnée, après cette éthopée magnifique, de voir ma mère froncer le sourcil et l’entendre me dire d’une voix qu’elle s’efforçait de rendre sévère ?

— Eh quoi ! ma fille, toi une française, et, qui plus est, une française de qualité, vouloir renier ainsi ta naissance et ton pays, au point de te mésallier avec un je ne sais quel petit puceron allemand qui n’est peut-être outre cela qu’un gueux parvenu !…

— Ah ! ma mère, au nom du ciel ! lui répondis-je, ne lui faites pas cette injure. Ce charmant puceron est d’une naissance plus distinguée que vous ne l’imaginez : une puce de ses ancêtres eut jadis l’honneur de vivre à la cour de l’empereur Charles-Quint, et malgré quelques proscriptions qui durèrent peu, sa famille fut toujours attachée jusqu’aujourd’hui à quelque prince de la maison impériale.

— D’où le sais-tu ?

— C’est lui-même qui me l’a dit.

— Et tu prends cela pour des preuves ?…

— Oh ! ma mère, lui supposeriez-vous le dessein de me tromper ?…

— Pauvre enfant ! ta naïveté me fait sourire, me dit-elle, (Elle souriait en effet de ce sourire triste qui révèle de profonds chagrins et de grandes déceptions.) On voit bien que tu n’as guère encore vécu parmi les hommes, toi qui crois si facilement à la bonne foi et à la sincérité. — Au reste, sois tranquille ; tu dois bien penser que je ne veux que ton bonheur. Avant peu, j’aurai des détails sur celui que tu aimes, et s’il est réellement ce que tu m’as dit, peut-être alors ne serais-je pas éloignée d’approuver votre union.

Notre conversation en resta là pour le moment. Une demi-