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— 169 bis —

heure après, quelques puces étant venues faire leur dernière visite à ma mère, elle s’informa avec soin près d’elles de mon amant. Toutes lui confirmèrent ce que j’avais avancé.

Alors elle le fit venir, et nous faisant signe à tous deux d’approcher, elle nous dit ces mots d’une voix mourante :

— Je connais votre amour, mes enfants ; je sais aussi combien vous vous convenez, sous tous les rapports ; loin donc de mettre obstacle à votre union, je la désire de tout mon cœur. Mais tout en souhaitant ardemment de la voir s’accomplir, vous me permettrez d’y mettre quelques conditions. Promettez-moi donc d’aller habiter la France aussitôt que vous en aurez le pouvoir ; promettez-moi aussi d’emporter mes restes avec vous et de les ensevelir à Paris, dans le palais même de l’Empereur. Ce sont là les dernières volontés d’une mère, et votre cœur est trop bon pour que vous refusiez de les accomplir.

Nous lui jurâmes les larmes aux yeux de les exécuter fidèlement. — Alors, s’adressant à mon fiancé, en étendant la main vers moi :

— Je vous la donne ; elle est digne de vous comme vous êtes digne d’elle.

Ensuite, faisant effort pour se lever sur son séant :

— À genoux, mes enfants ! ajouta-t-elle.

Nous nous précipitâmes à ses pieds. Elle leva sur nos fronts son bras mourant et décharné, et prononça lentement ces mots :

— Soyez heureux, êtres chéris !.… et puisse être ratifiée dans le ciel la bénédiction que votre mère vous donne en ce moment sur la terre !

Ce furent là ses dernières paroles. L’émotion puissante qui la dominait et l’effort qu’elle venait de faire achevèrent de briser ses organes, et cinq minutes après nous n’avions plus dans nos bras qu’un cadavre…………………………