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trouvait choqué de voir les usages des vaincus imposés aux vainqueurs. On sait à quoi aboutit le rêve brillant de Charlemagne. Dans cet état de choses, l’histoire de l’art a peu à recueillir ; toute culture éclairée s’est éteinte, et les brillantes théories du système musical de Quintilien ne sauraient avoir d’attraits pour les compagnons de Clovis. Cependant, il serait injuste de croire à une destruction complète : le désordre seul existe, et pour l’esprit qui veut examiner, quelque chose de merveilleux se prépare.

Les sources des nouvelles idées se forment ; providentiellement dirigées, elles grandiront avec les siècles, pour aboutir à un but commun, l’élévation de la pensée et la liberté du monde. Ainsi donc, nous bornant à la spécialité de notre article, nous voyons en principe la mélodie franque, vive, hardie dans ses allures, excitant toutes les passions de ce peuple aventurier, mais toujours en rapport avec ce qu’elle rend ; pleine de folie dans les danses publiques, héroïque et sublime lorsqu’elle guide les bataillons aux combats.

Ces caractères généraux constituent toutes les mélodies nationales, chants qui naissent inspirés par le génie de tout un peuple et que ne peuvent réclamer les spécialités.

Mais notre tâche n’étant pas d’étudier les chants populaires, et réservant notre critique pour l’examen de la culture éclairée ou aristocratique des trouvères et des ménestrels, nous allons étudier les progrès du nouvel art.

Une nouvelle civilisation remplaçait la barbarie primitive, mais elle n’avait d’influence que sur une partie de la société. Les grands seigneurs seuls profitaient de ses bienfaits. Cette civilisation n’était autre chose que la féodalité. Brutale dans son action sur les masses, elle créa des mœurs factices, pour son propre usage : tout pour l’amour et les belles, disaient les preux chevaliers en massacrant les pauvres vassaux et en pillant les voyageurs. L’Église, il est vrai, atténuait de toute sa puissance ce cruel abus du pouvoir, en poétisant les institu-