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« Il y a deux ans que tu nous as quittés, cher enfant. Je sais par le prince Stigliano que les desseins de Dieu continuent à s’accomplir. Travaille, ô mon fils ! veille à mériter ce qu’a fait pour toi la providence ; veille à suivre ses conseils, car qui sait ce qu’il peut arriver ?

» Ludovic, atteint d’une maladie de langueur, lutte avec peine contre le mal. Ta bonne mère, toujours attristée par ton absence, a perdu cette douce gaîté qui embellissait sa bonté, et moi-même, ô Giovanni, je sens les vieux jours me conduire à l’éternité. Un seul ami te resterait et tu ne veux pas l’aimer. Ô mon fils ! prends garde, n’éveille pas en toi des ambitions vaines et trompeuses. Souviens-toi que tu n’es que le fils du tailleur de Cassoria ; chasse des images qui ne sauraient que te perdre ; prie Dieu, prie-le pour moi qui ne suis pas assez sévère pour toi.

» Ninetta est venue au couvent. Ludovic était plus mal ; elle a long-temps pleuré ; elle a long-temps parlé de toi. — Je ne le reverrai plus, m’a-t-elle dit ; envoyez-lui ce médaillon ; qu’il le porte sur son cœur ; qu’il ne le quitte jamais, c’est un souvenir de sa mère, »

Giovanni avait relu plusieurs fois cette touchante lettre ; il frémissait en songeant aux malheurs qu’elle semblait lui prédire. Son cœur se gonflait en voyant frère Ambroise condamner le rêve de toute sa vie, la seule pensée qui ne le quittât jamais, la pensée de Cécilia, qu’il n’avait point revue ; de Cécilia, qu’il avait cherchée partout, et qu’il n’avait pas trouvée. Accoudé sur sa fenêtre, il se mit à rappeler les lointaines images qui l’avaient rendu heureux, et il chanta le souvenir : « Ô renaissez encore, ombres éloignées du passé ; heures où j’écoutais la brise passer dans ses cheveux, étendez vos ailes sonores, et redites-moi : « Le temps n’a pas