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Ce retard a donné lieu à plusieurs commentaires, tous plus ou moins injurieux pour Grouchy. Or, nous sommes en mesure de rectifier les faits et de les établir sous leur véritable jour. C’est une justification que nous devons au maréchal.

J’ai lu quelque part un vers qui renfermé une pensée à laquelle je souscris de tout mon cœur :


Rien ne doit déranger l’honnête homme qui dîne.


Fort bien ; mais un diner n’est pas le seul cas, à mon avis, qui ne permette pas de se déranger. Il en est plusieurs autres que je laisse au lecteur le soin d’apprécier : je me contenterai d’exposer celui dans lequel se trouvait Grouchy, quand il reçut l’ordre de faire marcher ses troupes vers le Mont-Saint-Jean. — Depuis plus d’une heure, il se sentait fort incommodé de certaines piqüres désagréables qui lui avaient plusieurs fois fait porter furtivement la main le long de l’épine dorsale, tandis qu’il donnait ses ordres à son état-major. Enfin, resté seul et profitant d’un instant de repos que prenaient ses soldats, il courut s’enfermer seul dans sa tente et déclara brusquement la guerre au chétif animal qui le bravait avec tant d’impudence, — On comprend que cét audacieux ennemi n’était autre que notre puce qui, dévorée, ce jour-là, d’une fièvre brûlante, cherchait à en éteindre les ardeurs, en s’abreuvant du sang de son hôte, Le combat fut long ; le genéral poursuivait avec acharnement sa fugitive ennemie, qui, mettant à profit sa merveilleuse agilité et les savantes manœuvres qu’elle avait apprises à l’école du vieil industriel, déjouait toutes ses attaques et renversait toutes ses combinaisons. Au plus fort de cette singulière bataille, arrivèrent les dépêches de l’Empereur. Grouchy, qui ne se doutait pas que