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chaque minute de rétard coûtait un bataillon à la France, résolut d’en finir avec une puce avant d’entreprendre les Anglais. Mais, cette fois, il fut doublement malheureux. Tout l’honneur de la journée resta à notre héroïne… hélas ! et à Wellington !…

Fière d’avoir soutenu avec avantage la lutte contre un habile général, notre puce se laissa aller d’abord à toute la joie d’une victoire, mais cette joie fut bientôt empoisonnée, quand elle apprit que, sans le savoir, elle avait perdu son Empereur chéri et fait éprouver à la France un désastre qui anéantissait, en un instant, tout le fruit des victoires précédentes. On se ferait difficilement une idée de son désespoir. Devenue, comme elle le dit, un sujet d’horreur pour elle-même, et se jugeant indigne de vivre désormais sur le territoire français, elle se décida à suivre jusqu’à la fin la triste destinée du grand homme qu’elle venait de jeter dans l’abîme, et s’exila volontairement à Sainte-Hélène.

Là, elle vécut, durant cinq années consécutives, dans le deuil et les larmes ; au souvenir de ses prospérités d’autrefois, des êtres chéris qu’elle avait perdus et de cette France si belle qu’elle était condamnée à ne plus jamais revoir. Son unique consolation était de jouir chaque jour de la présence de l’Empereur et d’admirer tout ce qu’il y avait, chez ce héros, de calme et de majesté, même au sein de l’infortune. Aussi quand la maladie étendit Napoléon sur son lit de mort ; quand les médecins déclarèrent, à demi-voix, qu’il n’y avait plus d’espoir, elle sentit se briser en elle le dernier lien qui l’attachait à la vie.

Ses mémoires contiennent encore quelques mots, à la date du 4 mai 1821, mais ils ne vont pas au-delà. Tout nous porte donc à croire que l’événement fatal du lendemain la