— Alors, Giovanni, c’est pour la dernière fois que nous sommes ensemble.
L’artiste voulut s’élancer aux pieds du supérieur ; le moine s’enfuit, et les portes du cloître se refermèrent sur lui. Ce nouveau chagrin augmenta le malaise continuel qui inquiétait le jeune homme ; les soins assidus de Ninetta, ses touchantes attentions, atténuaient un peu les souffrances de Giovani. Malgré cela, sa vie était brisée ; il voyait s’enfuir les naïves et pures croyances qui enferment le cœur dans le tabernacle divin et le font approcher avec respect des marches de l’autel. Seulement, comme à toutes les natures élevées, il lui restait l’art, l’art seul trésor qui fasse oublier Éden, monde mystérieux, placé entre Dieu et la nature, qui redit au premier les harmonies splendides de l’autre, verbe divin qu’ont expliqué Homère, Dante et Shakespeare. Aussi, n’eut-il plus qu’un but, être un grand artiste. Nous avons vu ses idées, nous savons qu’il était appelé pour de grands desseins. Malgré Alexandre Scarlatti, qui venait de créer les ouvertures, il disait que l’art dramatique n’avait pas encore ce charme d’intuition, ce naturel entraînant qui vous révèle toutes les impressions humaines. Et c’est pour cela qu’il méditait ; c’est pour cela qu’éloigné de tout contact social, son imagination s’enfuyait souvent à la recherche de cet inconnu qu’il pressentait, et dont ses songes lui avaient fait comprendre la beauté.
Un jour enfin que son rêve avait été plus profond, un jour il crut que le mystère lui était dévoilé, et sentant le noble orgueil du génie exalter son âme, sentant ses doigts se brûler en touchant le cercle de feu qui entourait sa tête, il s’écria, avec l’enthousiasme du poète : À moi l’avenir !…
Le mot que nous allons dire de l’origine de l’opéra nous expliquera si l’Orphelin avait fait un songe.
On est malgré soi rempli d’admiration lorsqu’on étudie avec un sentiment d’artiste l’histoire variée de la pensée humaine
