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pour ses débuts, de diriger l’exploitation d’une coupe de bois dont il devait, en outre, expédier l’écorce à un marchand tanneur voisin. Obligé de passer ses journées au milieu de bûcherons incultes, à peser de l’écorce ou à compter des cordes de bois ; obligé d’entendre leurs propos grossiers, un jeune homme d’une imagination moins forte eût bientôt vu ses illusions d’enfant tomber, flétries par ce contact impur. Arthur tint bon. Sa journée appartenait à la maison qui lui avait accordé sa confiance ; il la lui consacrait tout entière : lui en dérober la moindre partie lui eût semblé un vol. Mais quand venait le soir, lorsque les coups de hache des bûcherons avaient cessé de retentir dans la forêt, que tout était rentré dans le silence et le repos, au lieu de retourner dans sa chambre pour reposer ses forces, épuisées par le travail du jour, il s’en allait promener ses rêveries au milieu de la forêt, et souvent, le matin, les cris des travailleurs le surprenaient auprès d’un dolmen, au pied duquel il s’était endormi en rêvant des jours meilleurs.

Un soir, c’était le samedi, les travaux avaient fini plus tôt que de coutume ; Arthur se vit libre à six heures, ce qui ne lui était point encore arrivé depuis qu’il habitait la Basse-Bretagne. Il voulut profiter de ce bonheur inespéré pour admirer le coucher du soleil dardant ses derniers rayons à travers l’épais feuillage des arbres de la forêt. Il se rendit donc auprès du dolmen où, chaque soir, il venait renaître à la vie de l’intelligence, et laissa sa pensée errer sans guide dans l’espace. Tout à coup il entendit derrière lui comme une voix lointaine qui chantait : il ne pouvait distinguer les paroles ; mais la voix était d’une douceur ineffable ; puis, il lui sembla