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qu’elle se rapprochait peu à peu. Il aurait bien voulu se retourner pour voir d’où venait cette voix, qui lui causait une émotion indicible ; mais il n’osait : il craignait de rompre le charme qui l’enivrait. La voix se rapprochait de plus en plus. Déjà il entendait distinctement des paroles dans une langue qu’il ne comprenait pas ; il distinguait déjà un bruit de pas peu éloignés : il ne put résister plus long-temps ; il se leva.

Devant lui était une jeune fille frêle et gracieuse, au regard mélancolique et doux, s’amusant à cueillir des lucets. Son costume était celui des paysannes du pays ; mais l’élégance de sa mise, et la croix d’or qu’elle portait au cou, suspendue à un ruban de velours noir, annonçaient la fille d’un riche tenancier, Arthur la regardait avec des yeux ébahis. Il aurait voulu s’avancer vers elle, lui adresser quelques mots : ses pieds restaient immobiles ; il ne pouvait faire un pas ; la parole expirait sur ses lèvres entr’ouvertes. La jeune fille paraissait ne pas l’apercevoir : cependant elle ne chantait plus. Dominant enfin l’émotion à laquelle il avait cédé d’abord, Arthur s’approcha d’elle :

— Ah ! chantez, lui dit-il ; chantez encore, je vous en prie !

— Monsieur aime à plaisanter.

— À plaisanter !… oh ! non.

— Pourquoi voulez-vous donc que je chante ?

— Pourquoi ?… C’est que votre voix est douce comme un rayon du soleil dans une belle journée d’hiver : c’est qu’elle éveille en moi quelque chose que je n’avais encore jamais ressenti, quelque chose qui fait mal et plaisir à la fois ; c’est que