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de toutes les femmes que j’ai rencontrées jusqu’à ce jour, vous êtes la seule à qui je voudrais pouvoir dire : « Je t’aime ! »

— C’est mal à vous, Monsieur, c’est bien mal de vouloir vous jouer de la simplicité d’une pauvre paysanne, qui sait bien cependant qu’il ne peut y avoir rien de commun entre un Monsieur comme vous et la fille de Ian Rosaker…

Et elle s’éloigna, légère comme une ombre.

Déjà, depuis long-temps, elle avait disparu dans le feuillage. Arthur était toujours là, immobile, suivant des yeux la trace effacée des pas de la jeune fille. Enfin, il se mit en mouvement, et, errant sans but, il se trouva, sans y songer, au château de Roswillou, dont il occupait un appartement depuis son arrivée en Basse-Bretagne. C’était un vieux château perché sur un rocher, comme un nid d’aigle. L’état de délabrement dans lequel il se trouvait annonçait clairement que depuis long-temps il était habité par des fermiers. L’appartement qu’occupait Arthur avait vue sur la forêt : c’était autrefois la chambre à coucher de la marquise. Il était mieux conservé que les autres, et cependant le plafond tombait en ruines ; et l’air y pénétrait de toutes parts, à travers les fentes des planches mal jointes qui avaient remplacé les anciens carreaux des fenêtres. Le fermier du château, Yves Kerouan, voyant l’air préoccupé d’Arthur, lui dit en riant :

— Eh bien ! M. Lery, qu’avez-vous donc ? Est-ce que vous avez rencontré des revenants ? Tant mieux ! Cela vous apprendra à passer les nuits dehors.

— Connaissez-vous un nommé Ian Rosaker, fut toute la réponse d’Arthur.