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essentiellement canadien et catholique ? Est-ce avec la hauteur des vues qui le caractérisait qu’il aurait jamais pu recommander pareille faute ? Tout le monde dira avec nous : certainement non !

D’ailleurs quand Sa Grandeur a-t-elle réellement agi d’après les inspirations de son illustre prédécesseur ? Est-ce quand elle abandonne ceux au milieu desquels il se disait si heureux de se voir fixé pour toujours, ou quand, agissant dans le cercle des traditions de l’ancien Évêque, Elle se construisait une demeure permanente sur le terrain même que Mgr Lartigue avait consacré pour toujours à l’établissement épiscopal ? Est-ce quand Elle promettait, six jours après l’incendie, de ne pas abandonner son troupeau ; ou quand, six semaines plus tard, Elle lui signifiait d’une manière blessante, qu’Elle s’en irait ailleurs !

Mgr Lartigue aurait-il jamais songé à profiter d’une catastrophe pour sortir du milieu de ceux qui l’avaient si magnifiquement logé pour le temps ? Nous ne le pensons pas, et nous croyons au contraire qu’avec le coup-d’œil de l’homme supérieur qui ne lui faisait jamais défaut, Mgr Lartigue n’eût rien vu autre chose que la plus pénible erreur, sinon la plus inexcusable faute, dans le fait d’un Évêque allant planter définitivement sa tente au centre même de la population qui est adverse au culte qu’il représente.


XI.


La nouvelle cathédrale, si elle se construit, va se trouver entourée de neuf ou dix églises protestantes sans compter celles à venir, cortège d’un genre assez nouveau pour une cathédrale catholique dans une ville où l’élément catholique est si dominant. Il nous semble que voilà une nouveauté à laquelle Sa Grandeur devrait être particulièrement hostile, Elle qui les abhorre à peu près toutes.

Eh bien, qu’est-ce que cette affluence d’églises protestantes autour de la cathédrale catholique démontre invinciblement ? C’est que, dans ce quartier de la ville, l’élément protestant est dominant. Ce n’est donc pas là la place de l’Évêque. Pourquoi encore une fois abandonner ses ouailles, ses amis, ses soutiens, pour aller s’exiler au milieu de ses adversaires ?

Au reste, il y a cette notable différence entre les difficultés éprouvées par Mgr Lartigue et celles éprouvées par son successeur, que Mgr Lartigue n’a eu à combattre que les difficultés qui lui étaient suscitées par autrui, pendant que l’Évêque actuel n’a réellement à combattre que les difficultés qu’il s’est en quelque sorte suscitées à lui-même de gaieté de cœur.

Y aurait-il eu l’ombre d’une difficulté si Mgr de Montréal eût accepté, en 1852, l’offre qui lui a été faite ? Certainement non. D’où sont venues les difficultés et les retards ? De l’indifférence de la population. Qui a causé cette indifférence ? Rien autre chose que la réponse blessante de fond et de forme que Sa Grandeur fit en 1852 aux citoyens qui étaient allés lui offrir de le bâtir mieux qu’auparavant.

Les citoyens sont encore prêts à l’aider, mais à condition que les fautes cessent ; à condition que l’on revienne à une plus saine notion de la situation ; à condition que l’on ne consomme pas un acte qui nuit tout à la fois à leurs intérêts religieux et à leurs intérêts temporels.

De ce qu’il n’a pas plu à Sa Grandeur d’admettre ce que tout le monde comprend, il ne suit pas que les citoyens n’ont pas conscience de la terrible faute qui se commet.


XII.

Sa Grandeur nous a fait un tableau très vrai de ce qu’est la cathédrale d’un Diocèse. « C’est dans cette église mère, dit-Elle, qu’avec plus de pompe, l’Évêque célèbre les offices, administre les sacrements, confère les ordres, convoque le clergé en synode, préside aux grandes assemblées des fidèles aux plus saints jours de la religion. Dans cette église-mère doivent se dérouler les cérémonies les plus augustes qui sont les signes visibles de la foi, les images sensibles de la piété et le sceau sacré des grandeurs de la religion. »