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dans la partie essentiellement anglaise et protestante de Montréal, un manque d’intelligence de la situation qui est profondément triste. Et nous pensons encore qu’il sera bientôt démontré même à Sa Grandeur que la tactique contraire eût été la meilleure à suivre même dans l’intérêt de l’œuvre.


IX.


Sa Grandeur nous rappelle avec beaucoup de vérité les grandes difficultés que son illustre prédécesseur a surmonter dans la fondation de l’Évêché. Elle nous rappelle surtout à quel point il manquait de ressources pour élever la cathédrale et l’Évêché qui se construisirent alors.

Mais où les a t-il trouvées ces ressources, sinon chez ces mêmes citoyens de la partie Est de la ville que l’on a si volontiers abandonnés depuis ? Et une chose très remarquable nous a frappés, c’est le soin tout particulier avec lequel Sa Grandeur semble éviter de parler des sacrifices que les citoyens s’imposèrent alors pour loger leur Évêque. Elle affecte de n’en pas dire un mot, mettant le tout sur le compte de la Providence. Que la Providence ait pu bien disposer les cœurs à être généreux et sympathiques au nouvel Évêque, et à multiplier dix ou quinze mille fois les deux pauvres écus français dont Sa Grandeur nous parle, nous ne le nions certes pas, mais n’eût-il pas été au moins convenable de constater le fait des sacrifices des citoyens au lieu de n’en pas dire un mot ? Si l’on a ainsi oublié leurs services au point de n’en pas faire mention et de les abandonner pour aller favoriser la partie anglaise aux dépens de la partie canadienne, les citoyens sont loin, eux, d’avoir oublié quels vifs remercîments leur furent adressés, en même temps que les protestations de bonheur que leur exprimait leur Évêque en se voyant ainsi fixé pour toujours au milieu d’eux, fait qui le comblait de joie et de reconnaissance. Ce « pour toujours » n’a pas duré longtemps !

Certes, personne alors ne prévoyait que le successeur immédiat de cet illustre Évêque trouverait moyen d’interpréter son devoir et sa mission de manière à se persuader qu’il fait un acte louable en abandonnant définitivement le principal noyau de la population canadienne pour aller se fixer permanemment au centre de l’élément anglais et protestant. À franchement parler, l’anomalie n’est-elle pas renversante ?

Si quelqu’un eût prédit alors cet abandon, n’eût-on pas repoussé cette prédiction comme la plus sanglante injure que l’on pût faire à l’autorité diocésaine ? Et c’est cette même autorité diocésaine qui s’est sitôt chargée de la réaliser !

Qui eût pu jamais prévoir alors que la reconnaissance du premier Évêque de Montréal envers les fidèles de la partie Est deviendrait un fardeau trop lourd pour son successeur immédiat ?


X.


Et pourtant c’est ce successeur lui-même qui nous dit dans sa circulaire qu’il a été le témoin des plus intimes communications de Mgr Lartigue, et l’héritier de ses dernières volontés.

Sa grandeur a été en effet témoin et acteur dans tout ce qui s’est passé à l’occasion de la fondation de l’Évêché. Tout le monde se rappelle cet homme bon et sans prétention qui, comme secrétaire de l’Évêque, savait toujours trouver moyen, par ses manières conciliantes et sa constante politesse, d’émousser les petites aspérités de caractère d’un grand esprit, mais en même temps d’un homme qui savait écouter et juger dans les matières importantes. Et bien des personnes se demandent aujourd’hui comment il est possible de concilier les manières si pleines d’affabilité et de bienveillance naturelle de l’ancien secrétaire, que tout le monde aimait, avec l’arbitraire et l’implacabilité que l’on a eu si souvent occasion d’observer depuis quinze ans surtout dans l’administration du Diocèse.

Quoi qu’il en soit, qui oserait dire aujourd’hui que les dernières volontés de Mgr Lartigue ont été que son successeur déguerpit comme nous l’avons vu faire du quartier