Aller au contenu

Page:La cathédrale de Montréal, 1870.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gissait tant de sa cathédrale, pourquoi donc s’était-Elle bâti un palais magnifique et avait-Elle ainsi logé le serviteur bien mieux que le maître, la créature bien plus magnifiquement que le Créateur ?

Tout tomba donc à l’eau, et il nous paraît difficile d’admettre que les citoyens méritent vraiment aujourd’hui de s’entendre rappeler trois fois dans la circulaire ce retard de dix-huit ans dont eux précisément moins que personne doivent porter la responsabilité.

Quelle fut alors la vraie raison de ce refus, et surtout de la forme arrogante, dure et blessante que Sa Grandeur sut lui donner ? Ça été, il faut bien le dire puisque nous sommes venus dire toute la vérité, ça été la suggestion faite par quelques flatteurs de placer l’Évêché et la Cathédrale dans l’une des positions dominantes de la ville. Cette suggestion toucha évidemment la corde sensible, et dès ce moment fut formé le projet grandiose de la création d’un petit St. Pierre qui rappellerait de loin les splendeurs du plus magnifique temple du monde.


V.


Le projet de reconstruire immédiatement ayant donc échoué par suite du refus si peu prévu de l’Évêque d’accepter ce qui lui avait été si spontanément et si libéralement offert, Sa Grandeur, au lieu de voir que les projets grandioses n’avaient que peu de chances de succès en ce pays, s’y jeta au contraire avec plus de parti pris que jamais. On avait d’abord assez sérieusement songé à faire l’acquisition des terrains à l’est de la rue St. Denis sur le coteau Barron, terrains que leurs propriétaires, au reste, offraient en plus grande partie gratis ; puis ce projet fut abandonné, Sa Grandeur ayant eu la lumineuse idée d’aller planter sa tente en plein centre de l’élément protestant de la ville. Quelles raisons l’ont portée à réaliser ce projet, voilà ce que l’on n’a jamais bien su, Sa Grandeur n’ayant jamais jugé que les fidèles eussent le moindre droit de connaître les raisons d’actes qui les concernent pourtant assez directement puisque c’est toujours à eux, en définitive, que l’on s’adresse pour obtenir les fonds nécessaires.

On a dit alors que comme les citoyens désiraient que l’Église St. Jacques fût reconstruite, et la population des quartiers St. Louis, St. Jacques et Ste. Marie trouvant le coteau Barron trop éloigné, on ne pouvait pas en même temps bâtir au haut et au bas du coteau. C’était vrai sans doute, mais ce n’était pas là la seule raison de l’abandon du vieux terrain, il y en avait d’autres que l’on n’a jamais voulu dire. Si cette raison eut été la seule, elle démontrait tout au plus que le projet de placer dès lors l’Évêché dans cette position dominante que l’on convoitait avec tant d’ardeur était tout simplement prématuré. Un homme sage aurait compris cela, d’autant plus que d’autres hommes sages, appelés à dire leurs avis, le comprenaient si bien qu’ils firent toutes les remontrances possibles contre l’abandon du vrai centre catholique de la population ; contre cet oubli complet d’assurances réitérées qui équivalaient à des promesses ; contre cette désertion inexplicable du milieu de ses amis dévoués, désertion qui ne faisait qu’ajouter une perte d’importance sectionnelle au si terrible désastre que l’on verrait de subir. Mais tout, saine raison et inopportunité du projet, dut céder devant les habitudes d’inflexible obstination que l’on sait ; et les projets gigantesques forcèrent le sens commun de vider la place. La vente du vieux terrain fut décidée, mais Sa Grandeur se donna bien garde de dire cela de suite. Elle intima cependant à la réunion des citoyens qu’elle était décidée à s’en aller du côté de l’ouest. Six semaines plus tôt, on devait vivre dans une cabane de planches plutôt que de les abandonner. On voulut hasarder quelques représentations, quelques prières même, mais les citoyens virent qu’ils avaient affaire à un homme qui, par calcul autant que par caractère, ne cède jamais ; et l’on se sépara avec la ferme détermination chez les citoyens de laisser s’arranger comme il l’entendrait un homme qui montrait si peu de déférence et de considération envers ceux auxquels on adresse de si tendre paroles quand on a besoin d’argent.

L’Évêque décida donc de faire de la tactique et d’attendre que le mécontentement produit s’apaisât un peu avant de faire de nouvelles demandes. Il existe tant