Page:Laberge - Fin de roman, 1951.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
fin de roman

— Comment le nommez-vous ? demanda Mme Lafond.

— Évariste Frigon. Il a au moins quarante ans et gagne un gros salaire. On m’a assuré qu’il est l’un des premiers dans une grande maison de courtiers.

— Mais c’est justement l’homme qu’il nous faut.

— Oui, mais comme je vous l’ai dit, c’est un sauvage et il s’agit de le rejoindre, de l’amener à lui faire rencontrer votre fille.

— Est-ce donc si difficile ?

— Ce sera un vrai miracle si nous réussissons. À ma connaissance, il n’a jamais fréquenté une jeune fille. On dirait qu’il a peur d’elles. Il vit avec sa vieille mère qui a charge de la maison. L’été, il ne sort que pour faire du canotage. Est-ce que vous n’avez pas vu sa propriété, une étrange et bizarre habitation en briques qu’il a fait construire d’après ses propres plans et qui est toute entourée d’arbres, tellement qu’elle donne l’impression d’être construite au milieu d’un bois.

Mme Lafond écoutait ces détails d’une oreille distraite. Tout son intérêt reposait sur le « gros salaire » que recevait M. Frigon. Un gros salaire, c’est important et c’est bien commode. Oui, il fallait harponner M. Frigon. Ce serait là le digne couronnement de son œuvre. Élise une fois mariée avec ce garçon, la mère pourrait vivre en paix et satisfaite.

— Écoutez, fit Mme Demers après une pause d’un moment, je vais parler de la chose à mon fils. Il connaît un peu M. Frigon qu’il rencontre en faisant du canotage et avec lequel il cause parfois dans le train en se rendant à la ville. Je lui demanderai de l’inviter à venir faire un tour à la maison, une invitation très simple, juste comme on fait