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Page:Laberge - Hymnes à la terre, 1955.djvu/56

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VIEILLES LETTRES
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Une trentaine de lettres d’une petite ville de la province. Les hasards de la vie nous avaient fait nous rencontrer et, de suite, j’avais été charmé par sa jolie figure. Après un très bref entretien nous nous étions promis de nous revoir. Une correspondance avait suivi. Sa mentalité toute différente de la mienne m’avait cependant déçu. Je répondais aux lettres que je recevais. mais celles-ci ne provoquaient en moi aucun émoi, du moins, je ne m’en rappelle pas. La figure de ma correspondante me plaisait plus que ses épîtres. Celle-là écrivait avec un but dans la tête : elle visait à une fin. Je lui répondis jusqu’au jour où elle m’offrit de devenir pour moi une épouse aimante, dévouée et fidèle. Il n’y eut pas de réponse. Non, je ne me sentais pas la vocation.

Nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Si elle a été déçue, elle s’est bien consolée, car elle s’est mariée deux fois. Je ne sais ce qu’elle est devenue. Ses lettres brûlent.

Un monceau de lettres. Cris d’amour, véhémence de sentiment, flambée de passion dont la lecture donne la fièvre et le vertige. C’est le cœur, la chair et les sens qui parlent. Le langage est religieux, passionné, étrange et terriblement troublant. C’est la Prêtresse qui récite avec ferveur les Litanies de l’Amour :

Je t’offre ma bouche.
Je t’offre mes yeux.
Je t’offre mes cheveux,
Je t’offre mes mains.
Je t’offre mes seins.

Une ardeur comme celle des grandes amoureuses. Deux ans de cette intoxication. Celle qui a écrit ces lettres brûlantes n’est plus. J’espère qu’elle aura trouvé dans la terre qui la recouvre le calme et le repos qu’elle n’a jamais connus.

Je prends un paquet d’une vingtaine de lettres d’une grande écriture distinguée. Ce sont les mots d’une femme qui approche de son automne, qui a tant besoin d’amour. C’est une âme tendre, vibrante, une âme d’artiste qui dit : Encore quelques années, je ne demande que quelques années, puis je dirai : Je renonce, j’ai eu ma part. Mais je ne l’ai pas complète. Je voudrais tant