Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 10.djvu/261

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le numéro 7.) Il faut avouer que les maris sont parfois de grands paltoquets !… je parle du mien !… M. Prosper Faribol… un être très fort sur le violon… Hier soir, nous dormions… côte à côte… (c’est mon mari !…) Tout à coup je suis réveillée par une voix qui prononçait très distinctement cette phrase : « Pichenette, rue Papillon, numéro 7. » C’était la sienne !… sapristi !!! je lance un coup de pied dans la couverture, il se réveille, et… je lui offre un verre d’eau sucrée… qu’il accepte… le vampire !… Une heure après… même musique ! « Pichenette !… rue Papillon, numéro 7. » (Avec rage.) Ah ! je suis douce !… je suis très douce !… mais qu’il ne me fasse pas de farces !… Je passai le reste de la nuit à faire des rêves… mélangés d’arsenic ! Ce matin, Monsieur me prévient qu’il ne rentrera pas pour déjeuner, parce qu’il doit organiser une matinée musicale cité Valadon, numéro 56… au Gros-Caillou… Je flaire une craque… je saute dans un omnibus, et j’arrive cité Valadon. — Où est le 56 ? pas de 56 !… Savez-vous pourquoi ?… Il n’y a que deux maisons cité Valadon !!! et encore, on est en train de démolir la première !… La craque était patente ! alors, je ressaute dans un omnibus, je prends trois correspondances, et me voici ! rue Papillon ; numéro 7… (Indiquant la maison.) C’est donc là que demeure cette demoiselle Pichenette ! Ah ! nous allons rire !… De deux choses l’une : ou mon mari est arrivé, et il faut qu’il sorte !… ou il n’est pas arrivé, et il faut qu’il entre !… Je me campe ici, en faction, comme un voltigeur de la garde !… (Se promenant devant la maison.) Et nous allons rire !… mon bel ami ! ah ! oui, nous allons rire !!!

Saint-Gluten est sorti du café et lorgne Alexandra.
SAINT-GLUTEN, à part.

Charmante ! charmante !

ALEXANDRA, à part.

Qu’est-ce qu’il a donc à me lorgner, celui-là ?

Elle continue sa promenade.