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d’un gouvernement libre, c’est que l’État ne doit pas intervenir dans la gestion des intérêts locaux, et que la commune, à son tour, ne doit pas se mêler de ce qui concerne l’individu seul. On nous fait un intérêt général qui n’est pas la somme de tous les intérêts particuliers, mais je ne sais quelle abstraction politique. C’est là une erreur désastreuse et qui va au despotisme d’une minorité. L’intérêt général est tout ce qui subsiste en dehors des intérêts locaux, et de ces derniers la gestion n’appartient qu’aux pouvoirs locaux, c’est-à-dire à la commune.

En résumé, sans institutions municipales, une nation peut se mettre en république, mais elle n’a pas, elle n’aura jamais l’esprit de liberté ; elle peut se donner les formes, l’apparence d’un gouvernement libre, mais le despotisme, comprimé un instant, remontera toujours à la surface.

C’est là notre histoire depuis soixante-dix ans, car depuis soixante-dix ans nous essayons le travail de Sisyphe[1]. Avec une administration énergique, et qui n’est que trop disposée à s’occuper de choses qui devraient lui rester étrangères ; avec une centralisation qui remet aux mains des bureaux les intérêts et les libertés de la commune, qui par conséquent ôte à la commune toute res-

  1. « Il n’est pas de pays où la manie de trop gouverner ait pris de plus profondes racines qu’en France, et où elle cause plus de mal, » écrivait en 1798 Jefferson à Madison.