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problème d’organiser la démocratie. Ils ont passé par des épreuves plus rudes que les nôtres, des épreuves qui, l’échafaud mis de côté, rappellent les malheurs de notre première révolution. On a essayé d’une assemblée unique, d’un gouvernement de comités ; on a fait un papier-monnaie, et, en Amérique comme en France, le mépris des lois économiques et politiques amena une situation si déplorable, que de toutes parts les esprits se soulevèrent contre un gouvernement sans puissance et sans crédit. Le grand cœur de Washington en vint à douter de l’Amérique[1] ; affranchie et victorieuse de l’Angleterre, elle succombait sous l’anarchie.

« Quel changement étonnant peut se faire en quelques années, écrivait-il en 1786 à John Jay, son ami, et plus tard l’un des fondateurs de la constitution. J’entends dire que des personnes respectables parlent aujourd’hui de la monarchie sans horreur. On y pense, on en parle, et de la parole à l’action il n’y a souvent qu’un pas, mais quel pas irrévocable et terrible ! Quel triomphe pour les avocats du despotisme de voir que nous sommes incapables de nous gouverner nous-mêmes, et que les systèmes fondés sur la base de l’égalité et de la liberté sont chimériques et trompeurs ! Dieu veuille qu’on prenne à temps de sages me-

  1. Voy. la lettre de John Jay, du 18 mai 1786. Life of John Jay, p. 243.