Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/11

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large a nos jeunes étudiants, on amènerait dans l’enseignement des hommes qui ajouteraient au lustre de la Faculté, et modifieraient par leur présence l’esprit exclusif qui paraît dominer dans la Compagnie ; mais ces améliorations (quelque désirables qu’elles soient d’ailleurs) ne seraient que temporaires, car elles n’iraient point chercher le mal dans sa racine. On aurait agrandi l’enseignement, mais on n’aurait pas changé son esprit et c’est là qu’est pour nous toute la question. Mieux vaudrait cent fois une réforme qui modifierait l’organisation actuelle, sans introduire dans les Facultés un seul homme nouveau, qu’un changement qui ne ferait qu’augmenter le nombre des professeurs, et satisfaire quelques ambitions, même légitimes, sans modifier profondément le système régnant.

Le vice radical de notre enseignement, c’est le régime de contraint et de servitude qui ôte au professeur comme à l’étudiant toute liberté d’esprit et toute liberté d’action. Ce système se résume en peu de mots pour le professeur, cantonnement dans une chaire, que le hasard et non la vocation lui attribue ; obligation pour lui de passer toute sa vie renfermé dans un seul et unique enseignement, quels que soient la nature de son génie, la direction de ses études, le changement de ses idées. Pour l’élève, études forcées, c’est-à-dire, obligation de voir exclusivement certaines matières dans un ordre et dans un temps voulu ; examens réitérés qui son comme le contrôle du régime adopté par le gouvernement, et qui destructifs de toute liberté, retirent à l’étude son plus puissant ressort, et contraignent les jeunes gens à n’apprendre que ce qu’il plaît à l’État d’enseigner, dans l’ordre exigé par l’État, dans le temps fixé par l’État, jour par jour, heure par heure, et sans même laisser à l’étudiant la possibilité de choisir, entre divers professeurs, celui dont la méthode ne le rebute pas.

Ce système, que nous devons du reste aux jésuites, peu soucieux des nouveautés et qui dans l’éducation donnaient une part beaucoup plus grande à la mémoire qu’au jugement, ce système est tellement enraciné en France depuis deux siècles