Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/60

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Il nous semble, jusqu’à nouvel ordre, que tes Facultés de province ont résolu la question avec infiment plus de modération et de science que leur sœur aînée, quand elles ont simplement demandé qu’en cas de dédoublement, le professeur, aujourd’hui titulaire des deux enseignements, eût le choix de l’un ou de l’autre. C’était là ménager avec convenance le droit du professeur, et le concilier avec le droit supérieur et incontestable du gouvernement. Nous nous en tiendrons à cette opinion jusqu’à ce qu’on nous ait prouvé qu’une fonction est une propriété et nous n’admettrons jamais que nos pères qui ont fait une révolution contre les jurandes et tes maîtrises aient entendu consacrer dans la loi constitutive des Écoles de droit le pus odieux des monopoles, celui de la science et de l’enseignement.

D’ailleurs, et qu’il faille ou non une loi, quel est le résultat de cette organisation que la Facutté défend avec l’ardeur commune de tous les privilégies ? C’est de sacrifier à un individu l’intérët, ou pour mieux dire, le droit des étudiants. C’est de faire plier te droit inaliénable de l’État devant un fonctionnaire (car le professeur n’est pas autre chose), et d’aliéner sans garantie et sans moyen de surveillance le plus précieux attribut de la souveraineté, l’éducation de la jeunesse. Supposez en effet que le concours ou le choix ministériel, peu importe, introduise dans l’enseignement un homme médiocre ou qui ne convienne pas à la chaire à laquelle vous l’avez appelé ; si la concurrence est possible, comme en Allemagne, le mal n’est pas grand, le professeur aura peu ou point d’élèves et touchera son traitement pour ne rien faire ; voilà tout, la science n’en souffrira pas. Mais si à cet homme incapable, vous lui donnez le monopole, il faudra que pendant dix, vingt, trente ans, quinze ou vingt mille jeunes gens aillent tour à tour s’entasser inutilement dans un amphithéâtre pour y recevoir des leçons mal données, et souvent même plus nuisibles qu’utiles, sans que l’État puisse rien faire, car s’il peut agir contre la mauvaise conduite de l’homme, il est désarmé devant la médiocrité ou l’incapacité du professeur.