Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/61

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Et quand même tout votre corps enseignant serait excellent, est-ce que le professeur ne vieillit pas ? est-ce que ses doctrines seront toujours au courant de la science est-ce qu’après vingt ans de professorat, ses théories ne courent pas risque d’être surannées ! Qu’on songe à ce qu’était l’étude du droit romain il y a vingt-cinq ans, sous M. Berthelot, et qu’on se demande si la révolution commencée est partout achevée, et s’il n’y a point encore des professeurs pour qui Gaius n’a point été découvert ? Et, d’ailleurs, quand même vos maltres seraient parfaits et toujours et partout, ne voyez-vous pas qu’en organisant le monopole, vous sacrifiez tout à une seule méthode, a un seul système ? À Paris, par exemple, il y a pour sept ou huit cents étudiants une seule chaire de droit commercial, une seule chaire de droit administratif. Laissez de côté l’impossibilité de faire profiter d’un enseignement quelconque un nombre aussi considérable d’auditeurs, attribuez au titulaire un talent achevé, est-ce qu’un homme peut représenter à lui seul toute la science du commerce ou de l’administration pour la moitié de la jeunesse française ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres opinions probables que celles qu’il défend ? Est-ce qu’il embrasse toutes les faces de la science ? est-ce que sa manière d’envisager le droit est la seule bonne et la seule utite ? la seule qui convienne à toutes les intelligences ? Allons plus loin il n’y a dans toute la France que deux chaires dans lesquelles il soit permis d’enseigner la philosophie du droit ; l’une est au Collége de France, l’autre est à la Faculté sous le nom d’Introduction générale à l’étude du Droit. Toutes deux sont confiées à la même personne. Je n’attaque point le titulaire, qu’on dit un homme de mérite, je n’ai rien à reprendre dans son enseignement, que je ne connais pas ; mais, enfin, ce titulaire peut-il être en France le seul représentant de la philosophie du droit, et accepter un titre dont Jouffroy n’eût pas voulu ? Assurément, personne au monde n’a cette ridicule prétention mais, alors, pourquoi donc accumuler sur une seule tête une aussi grande responsabilité ? Pourquoi forcer vingt générations a accepter les idées d’un seul homme, quand il suffi-