Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/65

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dèrent à y prendre place, et c’est là que, le 24 janvier 1861, il éleva pour la dernière fois en public sa grande voix.

Miné par un mal inconnu et inexorable, le Père Lacordaire reçut peut-être, dans ce dernier effort de l’éloquence, le coup qui devait lui donner la mort. Toutefois, c’était en combattant qu’il désirait mourir. Malgré son état d’accablement, il voulut encore, chaque semaine du carême de 1861, consacrer à ses chers enfants de Sorèze les derniers efforts d’une vie qui défaillait, et d’une ardeur qui ne voulait pas s’éteindre. Ces instructions achevèrent d’user ses forces, et bientôt il tomba sur son lit pour ne plus s’en relever. De cette couche funèbre, au milieu des atroces douleurs qui brisaient son corps sans dompter son courage, il dicta, avec une pleine possession de lui-même et de ses souvenirs, sa notice sur le rétablissement en France de l’Ordre des Frères Prêcheurs ; puis la plume s’échappa de sa main glacée comme une glorieuse épée brisée à force de combats, et l’illustre malade entra dans un silence qu’aucun bruit de la terre ne vint plus troubler. Il se faisait faire chaque jour une lecture dans la Préparation à la mort, ou dans l’Acte d’abandon à Dieu, de Bossuet. Le reste de la journée se passait à contempler Jésus crucifié : il n’avait plus la force de le prier,