Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/79

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cher leurs forêts, peupler les villes et les solitudes de maisons de prières puis, quand vingt générations de saints ont attiré sur ces pieux caravansérails les bénédictions du ciel et de la terre, alors, au lieu du riche, touché de Dieu, qui venait y pleurer ses fautes; au lieu du pauvre, content de Dieu, qui y ployait ses forts genoux avec le vœu d’être plus pauvre encore; au lieu des saints, héritiers des saints, vous y voyez paraître le pauvre qui veut devenir riche, le riche qui veut devenir puissant, les âmes médiocres qui ne connaissent pas même leurs désirs. Bientôt l’intrigue fait tomber la crosse épiscopale ou abbatiale en des mains qu’une intention pure n’a point bénies; le monde a le plaisir de voir ses favoris gouverner l’Église de Dieu, et changer le joug aimable de Jésus-Christ en une domination séculière. Les cloîtres retentissent de l’aboiement des chiens de meute, du hennissement des chevaux. Qui discernera les vocations vraies des vocations fausses? Qui en aura la science? qui en aura même le temps ou la pensée? On ne s’inquiète plus de savoir comment les âmes ont été engendrées à Jésus-Christ, mais seulement de connaître leur naissance selon la chair. La. prière, l’humilité, la pénitence, le dévouement, s’enfuient comme des oiseaux timides troublés dans leur nid : les tombeaux des saints sont étrangers dans leur propre maison.

Voilà l’état misérable où une ambition sacrilège avait réduit un trop grand nombre d’églises et de monastères d’Occident à la fin du douzième siècle;