Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/82

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asseoir son camp principal dans le midi de la France. Cette hérésie, toujours combattue et toujours vivace, remontait jusqu’à la fin du troisième siècle. Elle s’était formée sur les frontières de la Perse et de l’empire romain, par le mélange des idées chrétiennes avec la vieille doctrine persane, qui attribuait le mystère de ce monde à la lutte de deux principes coéternels, l’un bon, l’autre mauvais. Ces sortes d’alliances entre des religions et des philosophies diverses étaient alors très-communes; c’est la tendance des esprits faibles de vouloir unir ce qui est incompatible. Un Persan nommé Manès donna sa dernière forme à la mixtion monstrueuse dont nous parlons. Moins heureux que les autres hérésiarques, sa secte ne put jamais arriver à l’état de société publique, c’est-à-dire avoir des temples, un sacerdoce et un peuple reconnus. Les lois des empereurs, appuyés de l’opinion, la poursuivirent avec une infatigable persévérance ce fut ce qui prolongea sa vie. L’état de société publique est une épreuve que l’erreur ne soutient jamais que peu de temps, et ce temps est d’autant plus court que l’erreur repose, sur des fondements plus contradictoires, et entraîne des conséquences plus immorales. Les Manichéens, repoussés de dessous le soleil, se réfugièrent dans les ténèbres; ils formèrent une société secrète, seul état qui permette a l’erreur de se perpétuer longtemps. L’avantage de ces associations mystérieuses est moins la facilité d’échapper aux lois que la facilité d’échapper la raison publique.