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furent impuissantes contre une classe forte et organisée. Sous Henri VII, une loi défend d’abattre les bâtiments de ferme qui sont loués avec vingt acres de terre. « Beaucoup de maisons et de villages, dit le préambule de la loi, sont aujourd’hui déserts. La terre arable qui en dépendait est enclose et convertie en prairie et l’oisiveté devient générale ; où naguère deux cents personnes vivaient de leur travail, on voit maintenant deux ou trois bergers. » Les lois succèdent aux lois, toutes ayant le même objet et toutes inefficaces. Une loi de 1634 a pour but de s’opposer aux envahissements des moutons. « Plusieurs individus, dit l’exposé de la loi, ont accumulé en leurs mains des étendues énormes de terre, où ils nourrissent d’innombrables moutons. Certains d’entre eux possèdent 10.000 et 24.000 moutons. Par suite, le labourage est abandonné et le pays se dépeuple. » L’évêque Latimer, dans son fameux sermon de la Charrue, prêché à la cour d’Édouard VI en 1549, reproche aux nobles de transformer les yeomen en esclaves déshérités : « Le berger avec son chien, s’écrie-t-il, a pris la place des habitants disparus. »

Trente-et-un ans plus tôt, Thomas Moore faisait entendre les mêmes plaintes, criait les mêmes accusations. Dans son Utopie il parle de cet étrange pays « où les moutons, jadis si doux, sont devenus si féroces qu’ils dévorent

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