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Tandis que nos législations attribuaient la perpétuité à la propriété foncière, elles se montraient beaucoup moins généreuses vis-à-vis de la propriété scientifique, artistique, littéraire ou industrielle. En réalité, en dotant ces diverses propriétés d’un privilège temporaire, elles se montraient simplement plus justes. Car si dans la propriété foncière on avait tout à fait négligé son caractère social pour n’envisager que le caractère individuel, on ne devait plus commettre le même oubli ; pour la propriété industrielle notamment, les inventeurs se plaignent qu’en limitant à quinze années la durée de protection des brevets on ait trop sacrifié l’individuel au social.

Comme dans la propriété foncière le caractère social de la propriété scientifique ou littéraire est évident. « Le plus grand génie, a dit Gœthe, ne fait rien de bon s’il ne vit que sur son propre fonds. Chacun de mes écrits m’a été suggéré par des milliers de personnes, des milliers d’objets différents : le savant, l’ignorant, le sage et le fou, l’enfant et le vieillard ont collaboré à mon œuvre. Mon travail ne fait que combiner des éléments multiples qui tous sont tirés de la réalité : c’est cet ensemble qui porte le nom de Gœthe. »

Ce fut en considération de cette collaboration de la collectivité à toute œuvre intellectuelle que le législateur limita le privilège de l’écrivain à une

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