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ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

courant, navré, désormais seul dans ce Paris. Je suis rentré, je suis monté à ma chambre, banale, triste, où rien ne m’appartient et ne me connaît, où tant d’autres ont passé ! Je n’aurais pas pu dormir. J’avais le cœur gros, la gorge serrée, tu m’excuseras, j’ai fait ce que tu m’avais défendu ; à une heure du matin, je suis allé chez Rieffel, il était seul, je me suis mis dans un fauteuil, devant son lit, enveloppé d’une couverture, grelottant de tristesse, et j’ai attendu le matin.

Je n’en pouvais plus. Nous avons pris du chocolat ensemble, et je suis parti chez Ephrussi[1], si bon pour moi.

Et la semaine s’est passée ainsi. J’ai vu Charlot une fois, rue Berthollet, puis plus personne. Je m’ennuie ! je m’ennuie ! Tous les jours presque j’allais rue Berthollet, emportant à chaque fois quelques livres.

Jamais une lettre. Ce matin seulement trois journaux pour papa et que je lui renvoie plus une lettre d’Émile toujours gai et demandant quand vous partez ! J’ai laissé quelques livres inutiles au concierge, entre autres un manuel du baccalauréat pour son fils, plus tard. En retour, M. Cortet m’a fait

  1. Cf. note p. 19.