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LETTRES 1881-1882

payer huit francs pour deux clefs absentes. Mystère. Le premier du mois j’ai reçu deux cents francs d’Ephrussi. J’ai rendu ses cinq francs à Charlot — payé mon terme — le blanchissage — acheté des bas, trois gilets de flanelle (je demandais des rouges, au Bon Marché, on m’a regardé comme un monsieur qui arrive de pays extra-terrestres et fabuleux) puis aujourd’hui : — tu sais comme j’étais habillé ! veston tout reprisé, gilet en loques, pantalon frangé et tu ne m’en voudras pas, n’est-ce pas ! — aujourd’hui, dis-je, j’ai couru pour voir des tailleurs et je me suis arrêté à un vers cinq heures — pour quatre-vingts francs j’aurai un costume complet en cheviote, ce drap que tu aimes tant ! et je le soignerai bien pour aller te voir en avril prochain, tu veux, dis ?

Puis j’ai prêté quarante francs à Riemer[1], qui allait se trouver sans place et dont on retenait tous les effets à son lycée, s’il ne payait pas ses dettes avant de partir. Et comme l’argent s’en va à manger ! Les deux premiers jours, j’ai mangé, pour ne pas paraître ridicule devant Rieffel, à cet hôtel où j’avais souvent mangé déjà avec lui (tu te souviens, cela te fâchait, pauvre !) — cela coûte 3 fr. 50 par

  1. Riemer, un ancien condisciple du lycée de Tarbes qui a suivi, depuis lors, la carrière de l’enseignement.