Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/127

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huilé. Même, au beau milieu d’une pièce lambrissée de majoliques (oh, si jaunes !) se trouvait abandonnée une énorme cuvette d’ivoire, une considérable éponge blanche, des satins trempés, une paire d’espadrilles roses (oh, si roses !). Encore, une salle de livres, puis une autre encombrée de matériaux métallothérapiques, un escalier tournant, et l’on respira à l’air supérieur de la plate-forme, — ah ! juste à temps pour voir disparaître une jeune fille mélodieusement emmousselinée d’arachnéenne jonquille à pois noirs, qui se laissa glisser, par un jeu de poulies, dans le vide, vers d’autres étages !...

Les princes, se confondant déjà en salamalecs galants sur leur intrusion, se turent court devant ce cercle d’yeux étonnés qui semblaient avouer : « Bon, bon, savez-vous, rien des choses d’ici ne nous regarde. »

Et de circuler alors en plein ciel, par menues phrases d’admiration suffoquée, autour de cette coupole d’observatoire abritant un grand équatorial de dix-huit mètres, coupole mobile, peinte à fresque imperméable, et dont la masse de cent mille kilos, flottant sur quatorze fermes d’acier dans sa cuve de chlorure de magnésium, virait en deux minutes, paraît-il, sous la simple impulsion de la main de Salomé.

À propos, s’il prenait fantaisie à ces impayables exotiques de nous jeter par-dessus bord ! pensèrent, d’un même frisson, les deux princes. Mais ils étaient plus robustes dix fois, à eux deux, dans leur uniforme collant, que cette douzaine de personnages pâles, épilés, les doigts chargés de bagues, sacerdotalement empêtrés dans leurs coruscants brocarts lamés. Et ils s’amusèrent à reconnaître là-bas, au port, leur galère,