Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/132

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silencieuse, et nous, nous desséchons de fringales supra-terrestres. Et pourquoi les antennes de nos sens, à nous, ne sont-elles pas bornées par l’Aveugle, et l’Opaque et le Silence, et flairent-elles au delà de ce qui est de chez nous ? Et que ne savons-nous aussi nous incruster dans notre petit coin pour y cuver l’ivre-mort de notre petit Moi ?

« Mais, ô villégiatures sous-marines, nous savons pour nos fringales supra-terrestres deux régals de votre trempe : la face de la trop aimée qui sur l’oreiller s’est close, bandeaux plats agglutinés des sueurs dernières, bouche blessée montrant sa pâle denture dans un rayon d’aquarium de la Lune (oh, ne cueillez, ne cueillez !) — et la Lune même, ce tournesol jaune, aplati, desséché à force d’agnosticisme. (Oh ! tâchez, tâchez de cueillir !) »

Ce fut donc l’Aquarium ; mais est-ce que ces princes étrangers comprirent ?

Et l’on enfila prestement et discrètement le corridor central des Gynécées, peint de scènes callipédiques, d’une mélancolie pourrie d’aromates féminins ; on n’entendait que le ruissellement d’un jet d’eau — à gauche ? à droite ? — trempant de sa fraîcheur le filet d’une cantilène inoubliablement esclave, infortunée et stérile.

Et leur ignorance des rites du cru les exposant à commettre quelque impair funèbre, les princes traversèrent du même pas discret la nécropole tétrarchique, deux files de placards, masqués de portraits en pied, gardant des fioles et mille reliques réalistes, touchantes seulement pour la famille, on le comprendra de reste.