Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/148

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chevelure et toute sa beauté, et sa toilette des Nuits (mousseline violet-gros-deuil à pois d’or) pour conférer sur les terrasses, en tête-à-tête, avec ses vingt-quatre millions d’astres, comme un souverain met, ayant à recevoir ses pairs ou satellites, les ordres de leurs régions.

Salomé tenait en disgrâce les vulgaires cabochons de première, de deuxième grandeur, etc. Jusqu’à la quinzième grandeur, les astres n’étaient pas de son monde. D’ailleurs, les seules nébuleuses matrices faisaient sa passion ; non les nébuleuses formées, aux disques déjà planétiformes, mais les amorphes, les perforées, les à tentacules. — Et celui d’Orion, ce pâté gazeux aux rayons maladifs, restait toujours le fleuron benjamin de sa clignotante couronne.

Ah ! chères compagnes des prairies stellaires, Salomé n’était plus la petite Salomé ! et cette nuit allait inaugurer une ère nouvelle de relations et d’étiquette !

D’abord, exorcisée de sa virginité de tissus, elle se sentait maintenant, vis-à-vis de ces nébuleuses matrices, fécondée tout comme elles d’évolutions giratoires.

Ensuite, ce fatal sacrifice au culte (heureuse, encore, de s’en tirer à compte si discret !) l’avait obligée pour faire disparaître l’initiateur, à l’acte (grave, on a beau dire) nommé homicide.

Enfin, pour gagner ce silence à mort de l’Initiateur, avait dû servir, encore que coupé d’eau, à ces gens contingents, l’élixir distillé dans l’angoisse de cent nuits de la trempe de celle-ci.

Allons, c’était sa vie ; elle était une spécialité, une petite spécialité.