Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/209

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épée au milieu du front, que le pauvre Dragon s’affaisse et, expirant, n’a que le temps de râler :

— Adieu, noble Andromède ; je t’aimais et avec avenir si tu avais voulu ; adieu, tu y penseras souvent.

Le Monstre est mort. Mais Persée est trop excité malgré l’infaillibilité de sa victoire, et il faut qu’il s’acharne sur le défunt ! et le larde de balafres ! et lui crève les yeux ! et le massacre, jusqu’à ce que Andromède l’arrête.

— Assez, assez ; vous voyez bien qu’il est mort.

Persée remet son épée au baudrier, ramène les boucles blondes de sa chevelure, avale une pastille et, descendant de sa monture, dont il flatte le col :

— Et maintenant, ma toute belle ! dit-il d’une voix sirotée. Andromède, toujours là irréprochablement et inflexiblement nue avec ses yeux noirs de mouette, demande :

— Vous m’aimez, vous m’aimez vraiment ?

— Si je vous aime ? Mais je vous adore ! mais la vie sans vous me semble insupportable et pleine de ténèbres ! Si je t’aime ! mais regarde-toi donc !

Et il lui tend son miroir, mais Andromède, l’air au comble de la surprise, repousse doucement cet article. Il n’y prend garde, et se hâte d’ajouter :

— Ah ! par exemple, il faudra que nous nous fassions belle !

Il ôte un de ses colliers, un collier de monnaies d’or (souvenir des noces de sa mère) et veut le lui passer au cou. Elle le repousse doucement, mais il profite de son geste pour lui prendre à deux mains la taille. Le petit animal blessé se réveille ! Andromède pousse un cri, le cri des mouettes aux