Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seins honteusement tenus cachés, s’avance sur l’estrade, tête basse, l’air positivement blessé.

« Elsa, Vestale assermentée, gardienne des Mystères, des philtres, des formules et du froment des brioches nuptiales, qu’as-tu fait de la clef de ton répertoire ? Ah ! ah ! tes seins savent une autre caresse que celle si lointaine de la lune, ta chair est inoculée d’une autre science que le culte ; des mains profanes ont dénoué ta ceinture et brisé le sceau de tes petites solitudes ! Que répondrais-tu, par exemple ? »

Elsa articule angéliquement : « Je crois être innocente. Ô méprises cruelles ! » — (et tout bas : « Mon Dieu, que « de cancans ! »).

Le Concile Blanc passa outre d’un même geste convenu.

Et le confesseur d’Hécate, surgissant à son tour, déroule l’acte d’accusation.

« Dans la nuit du... etc., etc. »

(Rien que des soupçons en somme ; des soupçons bien terre-à-terre, il est vrai.)

«... Le simple fait d’être soupçonnée publiquement rend impropre au culte. — Veuve Elsa, oubliez que vous fûtes Vestale. Oubliez, au plus terrible à jamais, les Mystères, les philtres, les formules et le levain des brioches ! Maintenant, veuve Elsa, contemplez une dernière fois la Déesse ; car, selon le rite, si, sur trois sommations, votre fiancé ne se présente pas pour vous assumer, on va brûler vos beaux yeux, en les attouchant, le plus délicatement possible, avec l’Aérolithe du Sacrilège descendu parmi nous à la première lune de l’Hégire et qui repose, vous le saviez fort