Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/94

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bien, sur des langes, dans l’hypogée de la Déesse, tout au fond de la Basilique du Silence. — Peuple ! on va faire les trois sommations d’usage. »

Et l’on vit bien qu’Elsa ne se donnait même pas la peine de lancer un clin d’œil au hasard de cette foule, d’où elle n’attendait donc nul Chevalier, c’est clair.

Les Matrones aux béguins à bandelettes de Sphinx la font descendre de l’estrade, la dépouillent du cachemire pâle et de la guimpe de lin et de ses perles du culte. On noue les perles dans la guimpe et le cachemire ; et le tout, en un coffret de plomb, va sombrer vers les nécropoles sous-marines ; saisissante succession de symboles.

Ce qui fait qu’Elsa apparaît en fiancée, au bon peuple. — Oh ! intéressante et promise, en longue blême robe étoilée de bas en haut d’œils de plumes de paon (noir, bleu, or vert, comme on sait, mais il est beau de le rappeler), épaules nues, bras angéliquement laissés à leur nudité, la taille prise juste au-dessous de ses jeunes seins par une large ceinture bleue d’où pend une plume de paon à l’œil plus magnifique encore, et sur ce joyau d’œil central la pauvre tient pudiquement croisées ses petites mains aux longues mitaines bleues ! Mais ses yeux n’en demeurent pas moins succulents comme des bouches, attendu que sa bouche entr’ouverte a toute la tristesse d’un regard, à cette heure.

Un très perceptible chuchotement d’admiration court parmi les femmes ; et (l’esprit de corps les trouve, hélas ! toujours prêtes) elles chantonnent :

« Heureux ! heureux encore, ma foi, celui qui l’emmè-