Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/97

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plis. Dites, venez m’assumer, vous ne vous en mordrez certainement pas les doigts. — Angelus ! Angelus ! Je suis la Sulamite ! Je n’ai que la pruderie d’une fleur. »

Elle se penche un instant, sa main devant les yeux, perscrutant l’horizon enchanté ; puis, reprend, traînant sur les mots :

« Oui, je dis bien, à votre merci, ô Prince Charmant ! Et je saurai vous tisser des armures de rechange.

« Tenez, je vais vous l’avouer, le goût de ma robe vous fera éclore mainte papille famélique ! — Et les lunes de mes coudes ! qui chatoient aux alouettes des rechutes ! ah ! ah !...

« L’adorable Chevalier me laissera-t-il vieillir aveugle et paria dans cette société bourgeoise ? Je suis belle, belle, belle ! comme un Regard incarné !

« Oh ! Je vous comprends d’avance ! Oh ! Je vous en suivrai partout avec des yeux fous ! Et je resterai si constamment suspendue à la lumière de votre front, que j’en oublierai de vieillir ; oui, j’irai si enchâssée dans votre sillon de lumière, que j’en deviendrai un petit diamant que l’âge ne saurait entamer !

« Ah ! non, non, je ne suis qu’une pauvre personne du sexe ! je ne saurai que laver, chaque matin, votre armure de cristal, avec mes larmes... »

Elle se tourne vers l’Exécuteur au cœur cuirassé d’un triple airain :

— Puisque je vous dis qu’il va venir ! Il m’a promis ; vous verrez au moins une fois ce que j’entends par un bel