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du vieux temps

livre à l’instant même de vos frissons. — Cette pratique doit nous rappeler que les anciens, dans diverses opérations magiques, jetaient derrière eux certains objets. Par exemple, les Romains prétendaient que pour faire disparaître les verrues on devait prendre des pois, en toucher chaque excroissance, puis les enfermer dans un nouet de linge[1], et les jeter pardessus son épaule[2]. — Lorsque Amaryllis procède à l’enchantement qui doit ramener près d’elle son volage amant, elle jette des cendres derrière elle :

Fer cineres, Amarylli, foras, rivoque fluenti
Transque caput jace ; ne respexeris
[3].

Au cinquième livre des Fastes d’Ovide, l’observateur du rite antique des Lémurales lance des fèves noires derrière lui : aversusque jacet. Dans le même auteur, liv. Ier des Métamorphoses, Deucalion et Pyrrha repeuplent le monde en jetant des pierres par-dessus leur tête. — Les juifs sont, encore à présent, dans l’usage, après l’inhumation d’un mort, d’arracher du sol trois poignées de gazon qu’ils lancent derrière eux en répétant ce poétique verset du psaume lxxii : — « Et ils fleuriront dans la vie comme l’herbe fleurira sur la terre. » — Enfin, lorsque, de nos jours, on renverse le sel sur la table, il suffit, assure-t-on, pour éloigner tout malheur, d’en ramasser quelques grains et de les jeter par-dessus son épaule gauche.

Vous répugne-t-il, pour vous débarrasser de votre fièvre, de recourir à la magie ? — Vous portez au bout de vos doigts un remède non moins efficace. Recueillez les rognures de vos ongles, rendez-vous, de nuit, dans un bois, faites choix, entre les plus vigoureux, d’un jeune bouleau ou d’un jeune tremble, pratiquez un trou dans leur tronc, déposez-y vos ro-

  1. Voy. p. 298
  2. Pline, Histoire naturelle, liv. XXII, ch. 72.
  3. Virgile, Eglogues, VIII.