Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je ne dois pas non plus vous dire pourquoi, en formant directement les premiers corps organisés, elle n’a pu opérer en eux que le systême d’organisation le plus simple de tous, et en quelque sorte qu’une première ébauche d’organisation ; ni pourquoi dans cette opération aussi admirable qu’importante, elle ne travaille que sur de très-petites masses de matière dans l’état gélatineux, qu’elle transforme en corps cellulaires, dans lesquels l’organisation prend naissance, le tissu cellulaire étant la gangue dans laquelle tous les organes des corps vivans ont été successivement formés ; ni enfin pourquoi l’eau, la chaleur, la lumière, et les fluides subtils ambians sont, dans ses mains, des instrumens qu’elle sait employer pour opérer cette merveille.

Il seroit en effet très-inconvenable de votre part de vous occuper de ces grandes considérations dans vos études commençantes ; vous vous exposeriez à vous égarer par l’imagination, et vous perdriez un temps précieux que maintenant vous ne devez employer qu’à vous instruire des faits connus.

J’invite donc ceux d’entre vous qui n’ont pas une expérience consommée dans l’observation de la nature, à ne prendre à l’égard des grands objets dont je viens de parler, aucune prévention soit favorable, soit défavorable.

Je les invite sur-tout à ne se laisser entraîner sur ce sujet par l’influence d’aucune autorité quelconque ; car ici c’est à l’expérience, à l’observation, à la considération des faits, et à la raison seules qu’il faut s’en rapporter, et non à l’opinion des hommes.

En rassemblant les observations et les faits maintenant recueillis sur l’organisation des corps vivans, et sur les phénomènes qui en résultent, si j’ai montré les conséquences qui en dérivent nécessairement, je n’ai fait qu’indiquer celles que chacun de vous eut tirées lui-même, s’il eût eu mon expérience dans l’observation, et que désigner celles qu’on sera vraisemblablement toujours forcé d’admettre, lorsque la réunion des faits dont je parle sera mûrement considérée.

Ainsi quand j’ai dit que le tissu cellulaire est la gangue dans laquelle tous les organes des corps vivans ont été successivement formés, et que le mouvement des fluides dans ce tissu[1] est le moyen

  1. Le propre du mouvement des fluides dans les parties souples des corps vivans (dans le tissu cellulaire) est de s’y frayer des routes, des lieux de dépôt et des issues ; d’y créer des canaux et par suite des organes divers ; d’y varier ces canaux et ces organes, à raison de la diversité soit des mouvemens, soit de la nature des fluides qui y donnent lieu  ; enfin d’agrandir, d’alonger, de diviser et de solidifier graduellement ces canaux et ces organes, par les matières qui se forment et se séparent sans cesse des fluides composés qui y sont en mouvement, et dont une partie s’assimile et s’unit aux organes, tandis que l’autre est rejetée au-dehors. Recherches sur l’organisation des corps vivans, p. 8.
    Il en résulte que le propre du mouvement organique est non seulement de développer l’organisation, mais encore de la composer peu à peu, en multipliant les organes et les fonctions à remplir, à mesure que de nouvelles circonstances dans la manière d’être, et de vivre, ou que de nouvelles habitudes contractées par les individus, exigent de nouvelles fonctions et conséquemment de nouveaux organes.