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courut légèrement sur la crête des vagues, comme un coursier qu’on a déchargé.

Nous entrâmes insensiblement dans une mer plus douce, un peu abritée par la pointe occidentale de Procida. Le vent faiblit, la flamme de la torche se redressa, la lune ouvrit une grande percée bleue entre les nuages ; les lames, en s’allongeant, s’aplanirent et cessèrent d’écumer sur nos têtes. Peu à peu la mer fut courte et clapoteuse comme dans une anse presque tranquille, et l’ombre noire de la falaise de Procida nous coupa la ligne de l’horizon. Nous étions dans les eaux du milieu de l’île.


XI


La mer était trop grosse à la pointe pour en chercher le port. Il fallut nous résoudre à aborder l’île par ses flancs et au milieu de ses écueils. « N’ayons plus d’inquiétude, enfants, nous dit le pêcheur en reconnaissant le rivage à la clarté de la torche, la Madone nous a sauvés. Nous tenons la terre et nous coucherons cette nuit dans ma maison. » Nous crûmes qu’il avait perdu l’esprit, car nous ne lui connaissions d’autre demeure que sa cave sombre de la Margellina, et, pour y revenir avant la nuit, il fallait se rejeter dans le canal, doubler le cap et affronter de nouveau la mer mugissante à laquelle nous venions d’échapper.

Mais lui souriait de notre air d’étonnement, et comprenant nos pensées dans nos yeux : « Soyez tranquilles, jeunes gens, reprit-il, nous y arriverons sans qu’une seule vague nous mouille. » Puis il nous expli-