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touchée de ses complaisances et de lui sourire quelquefois avec bonté. C’était assez pour lui. Il était de cette nature de cœurs faibles, mais aimants, qui, se sentant déshérités par la nature des qualités qui font qu’on est aimé, se contentent d’aimer sans retour et qui se dévouent comme des esclaves volontaires au service, sinon au bonheur, de la femme à laquelle ils assujettissent leur cœur. Ce ne sont pas les plus nobles, mais ce sont les plus touchantes natures d’attachement. On les plaint, mais on les admire. Aimer pour être aimé, c’est de l’homme ; mais aimer pour aimer c’est presque de l’ange.


VI


Sous les traits les plus disgracieux, il y avait quelque chose d’angélique dans l’amour du pauvre Cecco. Aussi, bien loin d’être humilié ou jaloux des familiarités et des préférences dont j’étais à ses yeux l’objet de la part de Graziella, il m’aimait parce qu’elle m’aimait. Dans l’affection de sa cousine il ne demandait pas la première place ou la place unique, mais la seconde ou la dernière : tout lui suffisait. Pour lui plaire un moment, pour en obtenir un regard de complaisance, un geste, un mot gracieux, il serait venu me chercher au fond de la France et me ramener à celle qui me préférait à lui. Je crois même qu’il m’eût haï si j’avais fait de la peine à sa cousine.

Son orgueil était en elle comme son amour. Peut-être aussi, froid à l’intérieur réfléchi, sensé et méthodique, tel que Dieu et son infirmité l’avaient fait, calculait-il instinctivement que mon empire sur les penchants de sa