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cousine ne serait pas éternel ; qu’une circonstance quelconque, mais inévitable, nous séparerait ; que j’étais étranger, d’un pays lointain, d’une condition et d’une fortune évidemment incompatibles avec celles de la fille d’un marinier de Procida ; qu’un jour ou l’autre l’intimité entre sa cousine et moi se romprait comme elle s’était formée ; qu’elle lui resterait alors seule, abandonnée, désolée ; que ce désespoir même fléchirait son cœur et le lui donnerait brisé, mais tout entier. Ce rôle de consolateur et d’ami était le seul auquel il pût prétendre. Mais son père avait une autre pensée pour lui.


VII


Le père, connaissant l’attachement de Cecco pour sa nièce, venait la voir de temps en temps. Touché de sa beauté, de sa sagesse, émerveillé des progrès rapides qu’elle faisait dans la pratique de son art, dans la lecture et dans l’écriture ; pensant d’ailleurs que les disgrâces de la nature ne permettraient pas à Cecco d’aspirer à d’autres tendresses qu’à des tendresses de convenance et de famille, il avait résolu de marier son fils à sa nièce. Sa fortune faite, et assez considérable pour un ouvrier lui permettait de regarder sa demande comme une faveur à laquelle Andréa, sa femme et la jeune fille ne penseraient même pas à résister. Soit qu’il eût parlé de son projet à Cecco, soit qu’il eût caché sa pensée pour lui faire une surprise de son bonheur, il résolut de s’expliquer.