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cieuses de son amour : comment il était né en elle à son insu, sous les apparences d’une pure et douce amitié de sœur ; comment elle s’était d’abord alarmée, puis rassurée ; à quel signe elle avait enfin reconnu qu’elle m’aimait ; combien de marques secrètes de préférence elle m’avait données à mon insu ; quel jour elle croyait s’être trahie ; quel autre elle avait cru s’apercevoir que je la payais de retour ; les heures, les gestes, les sourires, les mots échappés et retenus, les révélations ou les nuages involontaires de nos visages pendant ces six mois. Sa mémoire avait tout conservé ; elle lui rappelait tout, comme l’herbe des montagnes du Midi, à laquelle le vent a mis le feu pendant l’été, conserve l’empreinte de l’incendie à toutes les places où la flamme a passé.


XXII


Elle y ajoutait ces mystérieuses superstitions du sentiment qui donnent un sens et un prix aux plus insignifiantes circonstances. Elle levait, pour ainsi dire, un à un tous les voiles de son âme devant moi. Elle se montrait comme à Dieu, dans toute la nudité de sa candeur de son enfance, de son abandon. L’âme n’a qu’une fois dans la vie de ces moments où elle se verse tout entière dans une autre âme avec ce murmure intarissable des lèvres qui ne peuvent suffire à son amoureux épanchement, et qui finissent par balbutier des sons inarticulés et confus comme des baisers d’enfant qui s’endort.

Je ne me lassais pas moi-même d’écouter, de gémir et de frissonner tour à tour. Bien que mon cœur trop léger et trop vert encore de jeunesse, ne fût ni assez mûr