Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni assez fécond pour produire de lui-même de si brûlantes et de si divines émotions, ces émotions faisaient, en tombant dans le mien, une impression si neuve et si délicieuse, qu’en les sentant je croyais les éprouver. Erreur ! j’étais la glace et elle était le feu. En le reflétant, je croyais le produire. N’importe ; ce rayonnement, répercuté de l’un à l’autre, semblait appartenir à tous les deux et nous envelopper de l’atmosphère du même sentiment.


XXIII


Ainsi s’écoula cette longue nuit d’hiver. Cette nuit n’eut pour elle et pour moi que la durée du premier soupir qui dit qu’on aime. Il nous sembla, quand le jour parut, qu’il venait interrompre ce mot à peine commencé.

Le soleil était cependant déjà haut sur l’horizon quand ses rayons glissèrent entre les volets fermés et pâlirent la lueur de la lampe. Au moment où j’ouvris la porte, je vis toute la famille du pêcheur qui montait en courant l’escalier.

La jeune religieuse de Procida, amie de Graziella, à qui elle avait envoyé son message la veille et confié le dessein d’entrer le lendemain au monastère, soupçonnant quelque désespoir de cœur, avait envoyé la nuit un de ses frères à Naples pour avertir les parents de la résolution de Graziella. Informés ainsi de leur enfant retrouvée, ils arrivaient en hâte, tout joyeux et tout repentants, pour l’arrêter sur le bord de son désespoir et la ramener libre et pardonnée avec eux.