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XXVII


Et quel œil assez privé de rayons, quel cœur assez éteint en naissant ne l’aurait pas aimée ? Sa beauté semblait se développer du soir au matin avec son amour. Elle ne grandissait plus, mais elle s’accomplissait dans toutes ses grâces. Grâces, hier d’enfant, aujourd’hui de jeune fille éclose. Ses formes sveltes se transformaient à vue d’œil en contours plus suaves et plus arrondis par l’adolescence. Sa stature prenait de l’aplomb sans rien perdre de son élasticité. Ses beaux pieds nus ne foulaient plus si légèrement le sol de terre battue. Elle les traînait avec cette indolence et cette langueur que semble imprimer à tout le corps le poids des premières pensées amoureuses de la femme.

Ses cheveux repoussaient avec la sève forte et touffue des plantes marines sous les vagues tièdes du printemps. Je m’amusais souvent à en mesurer la croissance en les étirant roulés autour de mon doigt sur la taille galonnée de sa soubreveste verte. Sa peau blanchissait et se colorait à la fois des mêmes teintes dont la poudre rose du corail saupoudrait tous les jours le bout de ses doigts. Ses yeux grandissaient et s’ouvraient de jour en jour davantage comme pour embrasser un horizon qui lui aurait apparu tout à coup. C’était l’étonnement de la vie quand Galatée sent une première palpitation sous le marbre. Elle avait involontairement avec moi des pudeurs et des timidités d’attitude, de regards, de gestes, qu’elle n’avait jamais eues auparavant. Je m’en apercevais, et j’étais souvent tout muet et tout tremblant moi-même auprès