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l’ouvrage, les vagissements d’enfants qui pleuraient à midi et le soir pour appeler les mères attardées sur les portes des chaumières, étaient les seuls bruits qui pénétrassent du dehors dans cette maison. Au dedans on n’entendait que le petit tracas que faisait la mère du curé et sa jeune nièce en épluchant les herbes pour la soupe ou en étendant le linge sur la galerie.


X


Bientôt je fus un hôte de plus de cette humble maison, un convive de plus à cette pauvre table. J’y descendais presque tous les soirs au soleil couchant. Quand j’avais quitté l’ombre des deux ou trois charmilles du jardin de Milly, sous l’abri desquelles j’avais passé la chaleur des jours du mois d’août ; quand j’avais fermé mes livres, caressé et pansé avec soin mon cheval et étendu sous ses sabots luisants la fraîche litière de la nuit, je montais à pas lents la colline, je me glissais comme une ombre du soir de plus parmi les dernières ombres que les saules jetaient sur les prés. J’ouvrais la petite porte du jardin de la cure de Bussières. Les chiens qui me connaissaient n’aboyaient plus. Ils semblaient m’attendre à heure fixe sur le seuil. Ils me flairaient avec des battements de queue, des frissons de poil et des bonds de joie. Ils couraient devant moi comme pour avertir la maison de l’arrivée du jeune ami. Le sourire indulgent de la vieille mère du curé, la rougeur de sa nièce, me montraient ces bons visages d’hôtes qui sont les meilleurs saluts et les meilleurs compliments de l’hospitalité.