Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XI


Je trouvais ordinairement l’abbé Dumont occupé à émonder ses treilles, à sarcler ses laitues ou à écheniller ses arbres. Je prenais l’arrosoir des mains de la mère, j’aidais la nièce à tirer la longue corde du puits. Nous travaillions tous les quatre au jardin tant qu’il restait une lueur de jour dans le ciel. Nous rentrions alors dans la chambre du curé. Les murs en étaient nus et crépis seulement de chaux blanche éraillée par les clous qu’il y avait fichés pour suspendre ses fusils, ses couteaux de chasse, ses vestes, ses fourniments et quelques gravures encadrées de sapin représentant la captivité de Louis XVI et de sa famille au Temple. Car l’abbé Dumont, je l’ai déjà dit, par une contradiction très-fréquente dans les hommes de ce temps-là, était royaliste bien qu’il fût démocrate, et contre-révolutionnaire de sentiment bien qu’il détestât l’ancien régime et qu’il partageât toutes les doctrines et toutes les aspirations de la révolution.

On ne voyait, du reste, sur ces murs ou sur la cheminée aucun attribut de son ministère : ni bréviaire, ni crucifix, ni images de saint ou de sainte, ni vêtements sacrés. Il reléguait tout cela dans sa sacristie, aux soins de son sonneur de cloches. Il ne voulait pas que rien de son église le suivît dans sa maison et lui rappelât sa servitude et ses liens. Rien ne faisait souvenir qu’il était curé de village, si ce n’est une petite table boiteuse reléguée dans un coin de la chambre, sur laquelle on voyait un registre des naissances et des décès, et des boîtes de dragées cerclées de rubans bleus ou roses, que l’on