Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/366

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L’admiration qu’on avait pour elle comme jeune fille était mêlée de cette complaisance enjouée qu’on a pour l’enfance. Sa beauté, plus attrayante encore qu’éblouissant, était l’épanouissement d’une âme aimante qui se laisse regarder et respirer jusqu’au fond par la physionomie, par les yeux et par le sourire. Plus on y plongeait, plus on y découvrait de tendresse, d’innocence et de bonté. Par l’impression qu’elle faisait sur moi, en la voyant bien des années après, et quand la poussière de la vie et ses larmes avaient sans doute enlevé à ce visage la fraîcheur et le duvet de l’adolescence, on pouvait recomposer cette ravissante réminiscence de seize ans.

Ce n’était ni la langueur d’une fille pâle du Nord, ni le rayonnement brûlant d’une fille du Midi, ni la mélancolie d’une Anglaise, ni la noblesse d’une Italienne ; ses traits plus gracieux que purs, sa bouche avenante, son nez relevé, ses yeux châtains comme ses cheveux, rappelaient plutôt la fiancée de village un peu hâlée par le soleil et par le regard des jeunes gens, quand elle a revêtu ses habits de noce et qu’elle répand autour d’elle en entrant à l’église un frisson qui charme mais qui n’intimide pas.

Elle s’attacha sans y penser à ce jeune aventurier, ami de son frère, plus rapproché d’elle par les années que les autres étrangers qui fréquentaient le château. La qualité de royaliste donnait alors à ceux qui combattaient et souffraient pour la même opinion une certaine familiarité sans ombrage dans les maisons nobles où on les recueillait comme des compagnons d’armes. Le jeune homme était lettré. À ce titre, il était chargé par le père de donner des leçons de lecture, d’écriture, de religion à la jeune fille. Elle le considérait comme un second frère un peu plus avancé qu’elle dans la vie.