Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/367

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C’était lui qui répondait d’elle dans les courses périlleuses qu’elle faisait avec son père et ses sœurs à la chasse des sangliers dans les montagnes ; c’étaít lui qui ajustait les rênes, qui resserrait les sangles de son cheval, qui chargeait son fusil, qui le portait en bandoulière derrière son dos, qui l’aidait à franchir les ravins et les torrents, qui lui rapportait, du milieu des halliers, le gibier qu’elle avait tiré, qui l’enveloppait de son manteau sous la pluie ou sous la neige. Une si fréquente et si complète intimité entre un jeune homme ardent et sensible et une jeune fille dont l’enfance se changeait tous les jours, quoique insensiblement, en adolescence et en attraits, ne pouvait manquer de se convertir, à leur insu, en un premier et involontaire attachement. Il n’y a pas de piége plus dangereux pour deux cœurs purs que celui qui est préparé par l’habitude et voilé par l’innocence. Ils y étaient déjà tombés l’un et l’autre avant qu’aucun d’eux le soupçonnât. Le temps et les circonstances ne devaient pas tarder à le leur dévoiler.

Le comité révolutionnaire de la ville de *** était instruit des trames qui s’ourdissaient impunément au château de ***. Ce comité s’indignait de la lâcheté ou de la complicité des municipalités voisines qui n’osaient ou ne pouvaient disperser ce nid de conspirateurs. Il résolut d’étouffer ce foyer de contre-révolution qui menaçait d’incendier le pays. Il forma secrètement une colonne mobile de gendarmes, de troupes légères et de gardes nationaux. Il la fit marcher toute la nuit pour arriver, avant le jour, sous les murs et surprendre les habitants.

Le château, cerné de toutes parts pendant le sommeil de la famille, n’offrait plus de moyens d’évasion. Le commandant somma le comte de *** d’ouvrir les portes. Il fut contraint d’obéír. Des mandats d’arrêt étaient dres-