Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/438

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peu penché sa tête en avant et abaissé ses yeux pour échapper aux regards.

Ses traits, qui rappelaient ceux de la famille de mon père, étaient plus ébauches que finis, plus faits pour le premier coup d’œil que pour le second. C’était l’ensemble qui saisissait, c’étaient les grandes lignes qui éblouissaient, c’était l’expression qui ravissait : le caractère était la bonté. Je ne sais dans quel rayonnement de splendeur douce cette physionomie nageait, mais on n’en discernait que le charme. Les imperfections de détail disparaissaient entièrement, surtout à distance. Elle avait la grandeur, l’unité, la grâce, ces trois beautés capitales de la femme, pour la foule qui n’analyse pas son impression. Aussi était-elle la beauté populaire de la famille, celle qu’on citait, celle qu’on préférait, celle qu’on aimait à voir passer dans les rues. Le peuple de la ville savait son nom. Il la montrait avec une fierté personnelle aux étrangers, à l’église ou dans les promenades, Les passants se retournaient pour la revoir : les boutiques, les murs et les pavés en étaient épris. Elle ne s’en doutait pas, elle avait pour toute coquetterie ses simplicités, ses timidités, ses rougeurs, grandissant encore, en retard sur ses années par l’enfance prolongée de son cœur. Son charme n’était que le naturel, son caractère que le premier mouvement, son esprit que le premier mot, prompt et enfantin, mais souvent d’autant plus frappant qu’il est plus naïf. Elle n’avait aucune disposition pour les arts, ses études étaient du coup d’œil, l’effort la rebutait, elle désolait ses maîtres et elle les charmait. On sentait dès ce temps-là que le ciel l’avait formée pour la famille plus que pour le monde, tige à grappes et non à fleurs, de la race des femmes prédestinées non à enivrer par de stériles parfums d’esprit,